Évaluer l’efficacité des méthodes de lutte et, en particulier, des insecticides nécessite de franchir différentes étapes d’une démarche scientifique rigoureuse et normée.
Tests de produits
Les insecticides, sont-ils efficaces ? Testons-les !
L’efficacité est la capacité de parvenir à l’effet attendu ou souhaité par le biais de la réalisation d’une action. Ce concept ne doit pas être confondu avec celui de l’efficience, relatif à la capacité de produire un effet positif (en d’autres termes, il s’agit d’accomplir un objectif avec les moindres ressources disponibles et en moins de temps).
Si ces notions semblent évidentes et centrales pour les opérateurs publics de démoustication et de LAV, il apparaît bien vite qu’évaluer la pertinence de leurs actions, en termes d’efficacité et d’efficience opérationnelle, s’avère complexe. Or leur mesure est l’un des éléments indissociables de la stratégie de « lutte intégrée », dans laquelle l’EID-Med s’est formellement engagée.
L’évaluation correcte et juste de l’efficacité d’une stratégie a pour finalité d’ajuster les moyens et les ressources à hauteur des objectifs à atteindre. Elle n’a de sens que si on fixe des seuils à partir desquels une action sera jugée suffisamment efficace ou non, justifiant la nécessité de la poursuivre ou de l’interrompre. Ces seuils constituent les indicateurs nécessaires à la prise de décision. Il est donc indispensable d’adopter le principe d’une évaluation régulière de l’efficacité à différents niveaux de la stratégie.
Prenons plus précisément le cas des insecticides utilisés dans les stratégies de contrôle des moustiques nuisants ou vecteurs. Globalement, comment évalue-t-on leur efficacité ? Partant du principe que les insecticides en question ne présentent pas de risque inacceptable pour la santé et l’environnement, ce qui en interdirait de toute façon l’utilisation, voici comment, en différentes étapes – de l’étude en laboratoire jusqu’à l’essai de plein champ en grandeur nature -, il est possible de mesurer leur efficacité.
Mesure de l’efficacité biologique d’un insecticide
L’évaluation de l’efficacité d’un insecticide implique un processus en trois étapes ou phases chronologiques, des études en laboratoire basées sur une batterie de tests biologiques, appelés aussi biotests (phase I), en passant par des essais à petite échelle et en conditions semi-contrôlées (phase II ou semi-field), jusqu’à l’essai-pilote, sur le terrain, en conditions quasi opérationnelles (phase III).
À chaque étape, il est fait appel à des protocoles spécialement dédiés et officiellement reconnus. Ceux élaborés et publiés par l’Organisation mondiale de la santé (World Health Organisation Pesticide Evaluation Scheme ou WHOPES Guidelines) font référence dans le domaine et permettent d’évaluer de manière adéquate la grande majorité des produits larvicides et adulticides actuellement utilisés (WHO 2003, 2005a,b, 2006b, 2009a,b).
Les biotests ont pour but de mesurer les effets doses-réponses de l’insecticide sur l’insecte-cible, de rechercher la concentration optimale à ne jamais dépasser et de fixer in fine la dose nominale maximale autorisée. Certains biotests sont également utilisés pour mesurer la sensibilité des espèces cibles par rapport à un insecticide donné et détecter l’apparition de phénomènes de résistance. Il existe également des tests standardisés pour les moustiquaires imprégnées d’insecticides (WHO 2005a, 2011), les répulsifs (WHO 2009c, 2013) et les insecticides pour le traitement des avions (WHO 2012).
Mesure de l’efficacité d’un traitement larvicide au niveau opérationnel
L’efficacité biologique d’un traitement larvicide est évaluée en réalisant un échantillonnage représentatif des effectifs de la population larvaire présente avant et après le traitement.
Concrètement, les prélèvements larvaires au filet Langeron sont réalisés dans la lame d’eau à plusieurs endroits représentatifs de la parcelle récemment submergée et généralement moins de 24 h avant le traitement. La manière de collecter ces échantillons est tributaire du stade de développement, de l’espèce et du milieu où elle se développe. Le contenu du filet est ensuite transvasé dans un petit plateau d’1 litre contenant de l’eau du gîte. Le dénombrement des larves dans le plateau est soit exhaustif soit estimatif, en utilisant un abaque visuel (Carron et al. 2003), le nombre ou la classe de densité étant enregistré. Cette opération est reconduite 24 heures après le traitement et c’est la différence entre les moyennes des densités observées avant et après traitement, exprimée en pourcentage, qui permet de confirmer l’efficacité de l’intervention.
Par ailleurs, la présence de populations de moustiques adultes est régulièrement évaluée (fréquence hebdomadaire) sur l’ensemble de la zone soumise au contrôle, au droit des gîtes larvaires ou le long des couloirs de migration identifiés. Cette surveillance permet de mesurer le niveau de nuisance résiduelle ou d’alerter, en cas d’échec partiel d’un traitement larvicide. Elle donne également des indications précieuses sur la présence effective et toujours significative des autres espèces de moustiques (Culex spp., Anopheles) non ciblées par les opérations de contrôle et qui représentent une part importante de la biodiversité et de la biomasse de ces milieux. Elle est réalisée au moyen de pièges attractifs (généralement au C02) ou en recourant à la technique de capture sur l’Homme (collecte, à l’aide d’un aspirateur, des moustiques cherchant à piquer pendant ¼ heure), réalisée au lever du soleil. Les espèces ainsi capturées sont systématiquement identifiées, dénombrées et les données enregistrées.