La recherche de méthodes alternatives ou complémentaires est un challenge permanent pour anticiper les évolutions réglementaires, sanitaires, environnementales et sociétales. Mais les choix stratégiques actuels sont restreints…

Méthodes alternatives

Comment faire toujours mieux, comment faire autrement ?

En milieu naturel, contre les espèces autochtones nuisantes

L’essentiel de la stratégie de contrôle pour laquelle l’EID-Med est missionnée vise à réduire la gêne occasionnée par les deux espèces de moustiques parmi les plus nuisantes du littoral méditerranéen : Aedes (Ochlerotatus) caspius et Ae. (Oc.) detritus. Elles ont la particularité d’accomplir leur cycle de développement larvaire dans l’eau saumâtre (halophilie) sur quelque 10 000 hectares de biotopes à submersion temporaire répartis parmi les 60.000 ha de zones humides que compte le littoral méditerranéen français. Leurs œufs, pondus en abondance à même le sol, en période d’exondation éclosent à la faveur de submersions aléatoires dues aux précipitations, entrées maritimes ou irrigations. Ces éclosions sont à l’origine, moins de 10 jours plus tard, en été, d’émergences massives induisant de fortes nuisances dues aux piqûres des femelles hématophages, pouvant être ressenties à plusieurs  kilomètres voire, exceptionnellement, dizaines de km, des gîtes de production, du fait des importantes capacités de dispersion de ces espèces.

De tels scénarios, liés à la présence de marais temporaires retro-littoraux ou fluvio-lacustres, existent ailleurs en Europe et dans de nombreuses régions du monde.

Si les espèces diffèrent, leur stratégie de reproduction est similaire et les nuisances qu’elles provoquent sont souvent soudaines et massives. En l’absence de toute possibilité de gérer les mises en eau, la seule méthode de lutte reconnue assez efficace et largement appliquée à l’échelle mondiale consiste à traiter avec un insecticide les larves avant la nymphose et ainsi limiter l’émergence des adultes. Pour l’EID-Med, cela se traduit par la nécessité d’intervenir annuellement sur des superficies cumulées de 25 à 40 000 ha. Les traitements antilarvaires se font exclusivement à base de Bacillus thuringiensis ser. israelensis (Bti).

Toutefois, cette lutte insecticide, même bien maîtrisée, présente des limites plus ou moins rapidement atteintes, pour les raisons suivantes :

  • des échecs fortuits partiels d’un traitement au Bti peuvent survenir suite à l’impossibilité de traiter tout ou partie d’un gîte larvaire dans de bonnes conditions ou  avec suffisamment d’efficacité (vent interdisant l’épandage aérien, fort couvert végétal, présence de stades larvaires trop avancés…). Ces conditions peuvent être à l’origine de nuisances résiduelles parfois importantes.
  • aucune intervention « adulticide » de rattrapage n’est possible réglementairement. La seule famille d’adulticides encore autorisée en Europe (les pyréthrinoïdes) ne rassemble pas les conditions nécessaires et suffisantes (notamment en termes de sélectivité envers les invertébrés aquatiques et les poissons) pour les autoriser pour un tel usage, en particulier en milieu naturel.

En milieu urbain, contre le moustique-tigre

Le moustique-tigre Aedes albopictus, par sa capacité à transmettre les arbovirus du chikungunya, de la dengue et de Zika, représente à l’heure actuelle l’un des plus forts enjeux de santé publique liés à des arthropodes en France métropolitaine et en Europe.

Lui opposer systématiquement la solution du « tout insecticide » est contrarié par l’inefficacité croissante de ce genre de lutte face au comportement de ponte prolifique et cryptique de cette espèce (qui obligerait à traiter tout le temps et partout) mais aussi par le risque d’apparition des phénomènes de résistance aux quelques substances actives adulticides encore autorisées, appartenant toutes à la famille des pyréthrinoïdes. Cette résistance est en effet avérée chez l’espèce cousine Ae. aegypti, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, et est déjà signalée chez Ae. albopictus en Italie et en Espagne.

Par ailleurs, malgré le strict respect de toutes les règles d’hygiène et de sécurité en vigueur lors de leur application, du fait qu’ils présentent un risque intrinsèque pour la santé et un impact potentiel sur la faune non-cible, l’acceptabilité des insecticides, en particulier en milieu urbain, fait de plus en plus débat.

Le recours aux insecticides par les instances publiques en France est de fait des plus parcimonieux, strictement réservé à la lutte antivectorielle (LAV) autour des seuls cas d’arboviroses. Il s’agit d’actions de santé publique, à la demande des autorités de santé (ARS).

La stratégie actuelle est donc basée essentiellement sur la prévention, au travers d’une  mobilisation sociale visant à réduire les effectifs des populations de ces moustiques, par ailleurs responsables de fortes nuisances. Il s’agit d’inciter les populations à éliminer physiquement ou rendre inaccessibles les gîtes larvaires intradomiciliaires, constitués de multiples petites collections d’eau (coupelles de pots de fleurs, réservoirs d’eau,…) privilégiées par ces insectes.

À ce jour, aucune autre méthode accessible au grand public n’a été démontrée permettant de réduire seule, de manière significative et durable, l’abondance de ces espèces de moustiques. Seule la protection personnelle (au moyen de répulsifs ou d’autres méthodes de protection physique) protège des piqûres.

Prévenir, c’est guérir

La recherche et l’évaluation de nouvelles méthodes complémentaires présentant le moins d’effet possible sur la santé et l’environnement demeurent donc des priorités pour pallier les lacunes évoquées ci-dessus.

De surcroît, un des objectifs centraux de la politique environnementale européenne est de parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (Directive cadre européenne 2009/128/CE du 21/10/2009). Si ce cadre d’actions communautaire cible en première intention les produits phytopharmaceutiques, il incite fortement à étendre la réflexion aux biocides, incluant les insecticides utilisés pour la démoustication et pour la LAV.

Tout ceci incite d’autant plus l’EID-Med à rechercher de manière anticipative des solutions complémentaires voire alternatives permettant de limiter plus ou moins fortement le recours aux insecticides quels qu’ils soient. Cette démarche s’applique également au Bti, même si ce dernier est utilisé à bon escient et présente de bonnes garanties en termes de moindre impact sur la santé et l’environnement. L’objectif est de parvenir à en réduire sensiblement l’emploi tout en assurant la mission de salubrité publique et la préservation de ces milieux fragiles et patrimoniaux.

 

Le piégeage de masse semble une méthode prometteuse et fait l’objet de deux projets de recherche collaboratifs dans lesquels l’EID-Med s’implique fortement. Il s’agira toutefois de méthodes complémentaires à celles déjà mises en œuvre.