Nuisants / Vecteurs
L’identification du moustique-tigre Aedes albopictus en Europe du sud (en Italie, depuis une quarantaine d’année) et dans de nombreux départements français (une soixantaine en 2021) a suscité cette question de lutte de santé publique : chez nous, peut-il y avoir une épidémie comparable à celle de chikungunya qui a sévi à La Réunion en 2006 et dont le vecteur est le même : Aedes albopictus ? Tout esprit rationnel dira qu’on ne peut jamais dire « jamais ». Mais il est nécessaire de mettre en place des dispositifs de lutte..
Lutte de santé publique
D’abord, il importe de distinguer entre un vecteur potentiel (tel qu’Aedes albopictus) et une maladie vectorielle (telle que le chikungunya ou la dengue). Car là où il y a un vecteur, il n’y a pas nécessairement de maladie.
Originaire d’Asie du sud-est, Aedes albopictus (ou moustique-tigre) présente une grande plasticité, qui lui a permis de s’adapter à diverses conditions de milieu. De sorte que depuis sa zone tropicale originelle, il a pu s’implanter dans des pays tempérés, en Europe du sud, entre autres.
Le virus chikungunya (en swahili : homme courbé), dont une épidémie a affecté en 2005 / 2006 l’île de La Réunion, est naturellement transmis en régions tropicales et subtropicales par la piqûre du moustique-tigre Aedes albopictus. Il est originaire des zones tropicales et intertropicales d’Afrique, d’Inde et d’Asie (première découverte en 1953, en Tanzanie et en Ouganda), dans lesquelles il se maintient.
Le virus de la dengue (DENV) partie de la famille des Flavivirus. Il est classé en quatre sérotypes différents (DENV-1 à DENV-4). Ce virus est l’un des plus répandus à travers le monde : on dénote environ 100 millions de cas chaque année de sa maladie, sous sa forme bénigne.
L’été sous les tropiques, c’est l’hiver chez nous. Cette donnée est un facteur amenuisant, en termes de risques, car dans nos pays tempérés, le moustique passe par une période de diapause hivernale (hibernation), au niveau de ses œufs, durant laquelle il n’a plus d’activité de piqûre. Donc il ne peut y avoir rencontre entre des personnes contaminées à la dengue ou au chikungunya venant de l’hémisphère sud avec des moustiques-tigres potentiellement vecteurs de l’hémisphère nord, puisque ceux-ci sont alors inactifs.
Toutefois, l’augmentation considérable du tourisme mondial et des déplacements incite les pouvoirs publics à être vigilants et à user du principe de précaution, même si le risque de voir se développer dans nos régions un épisode épidémique de grande ampleur est hautement improbable.
La dengue a sévi et sévit en plusieurs points de planète. Au cours de l’année 2019, une épidémie a touché plusieurs pays d’Asie du sud-est, notamment les Philippines, la Malaisie, le Viêt Nam, le Bangladesh, le Pakistan, la Thaïlande, Singapour et le Laos, puis d’Amérique latine, dont le Brésil, le Mexique, la Colombie, la majeure partie de l’Amérique centrale, le Pérou, la Bolivie, le Paraguay, l’Équateur et le nord de l’Argentine.
Au début de 2020, l’épidémie a atteint en particulier les départements français ultramarins d’Afrique de l’est : Mayotte et La Réunion. En février, Mayotte déclarait 904 cas présumés de dengue pour plus de 250 000 habitants. L’épidémie s’est intensifiée au cours des semaines suivantes, s’étendant à l’ensemble du territoire, la préfecture de Mayotte déclenchant le niveau 4 du dispositif ORSEC.
Les autorités sanitaires ont observé également une intensification de la maladie à La Réunion, touchant une grosse vingtaine total de communes.
Là, la concomitance de temps existe entre une circulation de personnes contaminées et éventuellement virémiques et la présence active de moustiques-tigres dans les départements concernés de notre pays. Cela est théoriquement possible, dès lors qu’il y a un seul Aedes albopictus, mais les quelques cas observés l’ont été dans des secteurs où le moustique-tigre était installé depuis déjà quelques années et présentait des densités d’individus assez conséquentes. Ainsi, quelques transmissions autochtones sont donc possibles.
Il s’en est produit en France métropolitaine, en 2014, 2015, 2017, 2018, 2019 et 2020, mais de façon très limitée en nombre et envergure, et chaque fois, la mise en œuvre du plan antidissémination, avec les traitements LAV (lutte antivectorielle) effectués par les opérateurs de lutte mandatés, parmi lesquels l’EID Méditerranée, a cassé avec succès les chaînes de transmission potentielles.
(*) Un cas autochtone se dit d’une personne qui a contracté un de ces arbovirus sur son lieu de résidence ou de travail, sans avoir voyagé. Ce virus lui a été transmis par la piqûre d’un moustique-tigre femelle local, qui se sera infecté auparavant en piquant une personne virémique revenant d’un territoire tropical ou subtropical dans lequel cette maladie circule de manière endémique.