Les virus émergents et endémiques transmis par les moustiques peuvent être difficiles à détecter puis à surveiller car ils provoquent souvent des infections asymptomatiques chez l’Homme et les animaux vertébrés, ou bien ils provoquent une maladie fébrile non spécifique, avec une courte période de récupération. La détection de cas chez les hôtes vertébrés peut être utilement complétée par une surveillance entomologique, mais souvent, cette méthode n’est pas adaptée aux faibles taux d’infection des populations de moustiques qu’on rencontre généralement dans les zones peu ou pas endémiques. En effet, en plus de la nécessité de capturer beaucoup de moustiques vecteurs, il est indispensable, ensuite, de les identifier un par un et de disséquer plusieurs milliers de têtes, voire de glandes salivaires, sur plaque froide, ce qui rend l’opération logistiquement très lourde et donc coûteuse.
Méthode innovante
Grâce à un nouveau système de collecte mis au point par Albin Fontaine, de l’IRBA (institut de recherche biomédicale des armées), on a pu identifier la circulation du virus West Nile en Camargue dans les populations de moustiques, opération qui n’avait pu être réalisée auparavant qu’une seule fois, lors de travaux relatifs à l’épidémie des années 1962-64, puis… par hasard, en recherchant la dengue, en 2015, en dépit d’efforts de recherche importants par les agents de l’EID Méditerranée lors d’épidémies plus récentes. En effet, cette méthode innovante – et rentable – de xéno-surveillance est basée sur la détection moléculaire du virus dans les excréments de moustiques piégés : ceux-ci sont capturés puis directement nourris dans le piège, leurs excrétions étant collectées sur un papier buvard ensuite analysé. Et ceci sans nécessité de traiter individuellement aucun moustique ! Une autre méthode, dite « de métagénomique », basée sur l’amplicon (fragments d’ADN) des excréments de moustiques, permet également d’identifier la dynamique de la diversité de la communauté de moustiques sur plusieurs sites d’échantillonnage, ainsi que les hôtes vertébrés dont ils se sont nourris avant d’être capturés.
Mieux protéger
Cette nouvelle technique peut être considérée comme une stratégie rentable et non invasive, qui positionne la surveillance entomologique comme un outil d’alerte précoce pertinent. Elle offre aussi l’atout supplémentaire de révéler les réseaux trophiques (espèces d’oiseaux ou de mammifères présentes, hôtes piqués, etc), permettant de mieux appréhender la circulation d’arbovirus, tels que le virus West Nile, pour, in fine, bien adapter la stratégie de lutte antivectorielle et ainsi mieux protéger les populations des épidémies.
De la pipette au marais
L’article ci-dessus provient d’une publication actuellement soumise au comité de lecture d’une revue scientifique, mais déjà promue via les réseaux sociaux, en particulier par Albin Fontaine, chercheur à l’IRBA, cité dans l’article, qui a « tagué » l’EID Méditerranée. Gregory L’Ambert, responsable du pôle Méthode et recherche de l’EID-Med, signataire de la publication, se réjouit qu’elle « mette en lumière la belle collaboration avec l’IRBA », permettant, grâce à des outils modernes basés sur la génétique, de compléter le travail de terrain afin de créer des outils opérationnels et utilisables dans la prévention d’épidémies, tout en faisant mieux comprendre l’écologie de « nos » moustiques. « Un travail mené en blouses et en bottes, de la pipette au marais, autour de questions de science et de santé publique », conclut-il.